jean fourastie

 

La Providence a voulu que je croise la route d'Albert Merlin au début de 1996, non pas à propos du Comité Fourastié qui prenait pourtant déjà forme, mais à l'occasion d'une consultation sur les services marchands que j'engageais alors pour le compte du Ministre des PME. Albert présidait la SEDEIS ; il m'accorda immédiatement ses conseils avec diligence, courtoisie et précision. De là naquit l'une de ces rares complicités qui unissent l'esprit, l'intelligence et le cœur, comme on n'en rencontre que fort peu dans l'existence.

Ma sympathie pour Albert, vieille de seulement vingt ans, bien d'autres que moi l'ont éprouvée au fil de sa riche vie professionnelle et de ses engagements au service des multiples causes qu'il a promues, soutenues et plaidées au cours de sa vie. Des causes couvrant un large spectre d'intérêts : professionnels, bien sûr ; mais aussi religieux, éthiques et musicaux.

Notre Comité, dont il était Vice-Président, a très largement bénéficié de son action depuis sa constitution. Nous lui devons bien plus qu'une reconnaissance de circonstance. Sa formule-choc: "Fourastié nous manque" résumait si clairement notre objet social qu'elle mérite d'être régulièrement rappelée. Il l'avait fort bien illustrée avec cet entretien posthume que l'Expansion publia au moment du centenaire de la naissance de Jean Fourastié, commentant avec Emmanuel Lechypre l'actualité économique contemporaine "à la manière" de Fourastié ! 

 

Albert Merlin ne s'est jamais privé de situer l'apport inestimable de Jean Fourastié à la connaissance économique ; ni d'intervenir, partout où cela lui semblait utile, pour vivifier sa mémoire. Je garde, par exemple, copie d'un de ses mémo de juin 2001 à notre président Michel Albert, lui suggérant l'organisation d'un colloque à la mémoire de Fourastié. Six ans plus tard, un "point de vue" d'Albert Merlin paru dans les Echos annonçait notre manifestation de novembre 2007 ; il décrivait Fourastié avec cette belle image : "l'arpenteur de l'économie réelle". C'est aussi grâce à ses efforts habiles et convaincants que le grand économiste Robert Solow, Prix Nobel d'économie, participa à cette belle manifestation au CNAM...

Tout Albert Merlin se trouve résumé dans les allusions précédentes: toujours disponible, généreux, savant et discret ; ouvert aux autres, rendant service avec le sourire, efficace et entreprenant. Ses avis, conseils et recommandations n'ont jamais cessé d'éclairer nos actions, jusqu'à sa brusque disparition le mercredi 9 décembre dernier.

On me pardonnera, j'espère, de donner à ce billet un tour plus personnel que ne le voudraient les convenances. Ce Vice-Président était tellement agréable et utile que nous faisions appel à sa sagesse et à ses avis en toute circonstance. Nous apprendrons, certes, à nous passer de son soutien ; mais, aujourd'hui, pour te paraphraser : "c'est toi qui nous manque, Albert"!

Adieu, avec notre très grande reconnaissance pour ce que tu as offert à notre Comité, pour ton humour et pour ton sage jugement, depuis vingt ans !

JPC. décembre 2015.

Albert Merlin, Chevalier de la Légion d'Honneur, Vice-Président du Comité Jean Fourastié, décédé à Paris le 9 décembre 2015.

Né le 21 avril 1931 en Touraine, province à laquelle il fut très attaché sa vie durant.

Élève au lycée Descartes de Tours, étudiant à la Faculté de droit de Poitiers et diplômé de Sciences Po Paris.

Économiste au Rexeco (1958) puis à la Compagnie de Saint Gobain (1965) dont il dirigea les études économiques et le bulletin Économie & Industrie pendant une vingtaine d'années.

Enseignant et directeur de recherches à HEC, à l'université Paris VI, à l'Institut d'études politiques de Paris, à l'ENA etc. (1960 à 1990).

Fondateur, administrateur puis président de l'Association française des économistes d'entreprise (AFEDE) et de ses prolongements internationaux (1969 à 1983).

Administrateur, Vice-président puis président de la Société d'économie politique (1992 à 1996).

Président de la SEDEIS et fondateur de la revue Sociétal (1996).

Vice-président de l'Institut Presaje depuis 2001.

Ancien membre du Conseil de la statistique, de la section conjoncture du CES, des conseils du BIPE, de l'OFCE, du Conference Board, etc.

Co-auteur avec Michel Drancourt de l'essai : Demain la croissance, R. Laffont, Paris 1985

Chroniqueur économique apprécié par les revues Commentaire, Futuribles, Sociétal  et par des journaux comme : Le Figaro, Les Échos, Le Monde ou Le Nouvel Économiste, Albert Merlin était très proche de l'Association des journalistes économiques & Financiers (AJEF) parmi lesquels il comptait de nombreux amis.

Mélomane, Albert Merlin s'est dévoué pendant de très nombreuses années pour restaurer d'abord, puis pour animer les Grandes orgues de la belle église parisienne Notre-Dame des Blancs Manteaux où ont eu lieu ses obsèques le 15 décembre 2015.