jean fourastie

Chercheur moi-même à l’INED, dirigé alors par Alfred Sauvy, et à cette époque un peu spécialiste des populations anciennes, notamment d’un “Cahier de l’INED“ sur ce sujet, Monsieur Sauvy me demanda de faire l’inventaire de sa précieuse collection d’ouvrages des 16e, 17e et 18e siècles…..

Je m’exécutai donc et débarquai un jour d’été rue Lepic (domicile d’Alfred Sauvy) dans un lieu désert.

Je descendis du rez-de-chaussée au salon et quelle ne fut pas ma surprise de voir, en guise de meubles, des transatlantiques recouverts de draps blancs… Madame Sauvy était partie en vacances et avait dû demander à son mari de protéger les meubles…

 

Bref, je m’approchai de la bibliothèque mais, là encore, un étonnement m’attendait… Les livres dont certains étaient des éditions originales, étaient alignés sur un curieux meuble, si l’on peut appeler cela un meuble ; en effet, ce dernier se composait de vulgaires planches de bois blanc, reposant sur des briques.

 Ce fut dans l’immédiat après-guerre qu’Alfred Sauvy commença sa collection de livres anciens, époque où ce genre d’ouvrages était peu considéré par les bibliophiles et donc assez facile à trouver.

Il y avait là sur ces étagères plus de mille ouvrages des 17e et 18e siècles traitant de sujets liés à la démographie comme la concevait Sauvy : économie, vie et mœurs, politique. Et, comme l’a écrit sa fille, « mon père a vécu dans les livres, pour les livres, et au milieu des livres ». À l’intérieur de chacun, se trouve un petit feuillet manuscrit de la main de Sauvy indiquant les points d’intérêt de l’ouvrage… Certes, si la plupart de ces livres sont à la Bibliothèque Nationale, on trouve dans la bibliothèque de Sauvy quelques ouvrages mythiques et des éditions originales : par exemple : Le code de la Nature, publié en 1755 par de Morelly mais sous l’anonymat, et encore celui du Marquis de Bessar Recueil, fragments académiques, théologiques, juridiques, moraux, politiques, tragicomiques, échappés à l'indifférence de l'auteur, moins naturelle que celle du public, des œuvres de Quesnay publiées par Dupont de Nemours etc..

 Puis, de son vivant, Alfred Sauvy décida de donner sa collection à l’École Polytechnique dont il a été l’élève. La dation date du 30 novembre 1994 et elle concerne 1 800 ouvrages.

Mais Alfred Sauvy, le fondateur de l’INED, possédait également une bibliothèque de lecture où Rabelais côtoyait Villon, Aragon, Matisse, Valéry etc.. ;

Je garde un très bon souvenir de cette période de travail.