Alfred Sauvy, une pensée d'une brûlante actualité

Bulletin de la Société des Amis de la Bibliothèque et de l'Histoire de l'Ecole Polytechnique (Sabix)

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jean fourastie

Dès 1929, « le monde d’illusions, de naïveté » qui est celui des responsables le conduit à décider « l’objectif… de toute sa vie : « éclairer l’action ». Dès les années 1930, Alfred Sauvy choisit comme titre d’une chronique une formule correspondant à la vocation de sa vie : « De la lumière ». Il débute cette chronique en rappelant que la formule « De la lumière, de la lumière ! » est le cri qu’aurait prononcé Goethe avant d’expirer. L’objectif d’Alfred Sauvy est donc clairement arrêté : « De la lumière » devrait être dans une démocratie bien ordonnée le mot d’ordre de tous les partis, qu’ils soient de droite ou de gauche. La dictature, c’est moins une extension du pouvoir exécutif que la possibilité de dissimuler ses actes, d’en fausser la portée et par suite la suppression du contrôle de l’opinion publique, souvent plus efficace que celui du Parlement ». Toujours dans les années 1930, Alfred Sauvy déplore le faible intérêt porté par les responsables politiques aux statistiques, qui peuvent être un extraordinaire « instrument de prospection ».

Plus tard, il formule ainsi ce qu’il découvre à cette époque : « Le contraste est affligeant entre les progrès de la science, de la technique et l’ignorance de la population, laquelle, en régime de démocratie parlementaire, tout au moins, commande aussi celle des états-majors, et influe même sur les techniciens, terrorisés à l’idée de se faire traiter de technocrates ou de conservateurs »

 

Au fil de ses travaux, Alfred Sauvy énonce le décalage entre le fruit de ses observations et les mentalités. « Les chiffres et les indices ne suffisent certes pas à résoudre tous les problèmes, mais l’ignorance à leur égard ou leur connaissance imparfaite et déviée sont un moyen sûr de commettre de grandes erreurs, d’autant plus dangereuses que les conséquences n’apparaissent qu’à la longue et sont attribuées à d’autres causes. Le corps économique est, en ce temps, moins bien traité encore que ne l’était le corps humain, au temps des médecins de Molière ».

Ainsi, Alfred Sauvy s’inquiète des « puissants » qui « cherchent en tous pays à plaire plus qu’à éclairer et négligent singulièrement l’art d’éclairer tout en plaisant »6. La méthode d’Alfred Sauvy est donc subordonnée à l’objectif consistant à faire la lumière, ce qui suppose une grande méfiance envers la théorie.  

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