J'en viens à un problème plus difficile à étudier que celui de la fécondité, c'est le lien entre la crise occidentale et le vieillissement. Ici le refus de voir est particulièrement dangereux. Quand je dis crise, je ne vise pas la situation immédiate couramment appelé ainsi, mais l'évolution profonde et durable qui se manifeste partout. L'Europe et les pays occidentaux acceptent, sinon de sombrer lentement, du moins de le constater discrètement. Mais, au lieu de chercher les causes profondes, les hommes recourent à de mesquines querelles. «Le sommeil est profond qui berce les statues». Dès qu'est seulement prononcé le nom de vieillissement pour établir le diagnostic de cette lente dégradation, une sorte de réaction se manifeste contre ce jugement trop franc, trop direct. Tant que le diagnostic sera refusé, il ne sera pas question de trouver le remède spécifique. Mais le jour où il sera clairement exprimé, combien de reproches pleuvront sur les dirigeants, sur les informateurs, sur toutes les têtes du pays, politiques, économiques, universitaires, syndicales, qui auront tout fait pour cacher ce mal éminemment guérissable. Ne ménageons pas les efforts pour que s'ouvrent enfin les yeux.
Interview publiée dans le n°623 de la revue Population et avenir , mai-juin 1995