jean fourastie

David le Bris et Alain Alcouffe (ci-dessous) se basent sur Jean Fourastié pour expliquer la croissance faible ou nulle actuelle. On était passé de la situation stagnante d’avant le XVIIIe siècle en France, à la période transitoire pendant laquelle le progrès technique a joué un rôle prépondérant. Fourastié annonçait pour les années 2000 la fin de la période transitoire, c’est-à-dire une civilisation tertiaire, où le PIB, élevé ne croîtrait pratiquement plus ; et c’est ce qui se produit.

Les statistiques de prix confortent cette affirmation. Les prix réels agricoles ont beaucoup baissé depuis deux siècles, mais ne baissent presque plus : le prix réel du litre de lait depuis 1900 a été divisé par 20 : un litre UHT coûte 3 minutes de travail au SMIC total. Le prix du pain a été divisé par 8 ou 9 depuis 1880 ; la baguette coûte 3 minutes de travail… Le prix du kilogramme de beurre a été divisé par 28 depuis 1885, celui du kilo de beefsteack par près de 5 depuis 1907 et celui du champagne par 15 depuis 1875… Ces prix ne peuvent guère baisser encore ! Il y a un temps de travail incompressible pour la production, la transformation et la commercialisation… Les courbes de prix réel ont pris récemment une forme asymptotique. Beaucoup de produits agricoles ne font plus l’objet que d’un progrès technique faible ou nul.


Les prix industriels continent à baisser, parce qu’il reste une marge par rapport au temps de travail incompressible. L’automobile la moins chère coûte douze fois moins qu’en 1920 ; elle est à 666 heures de travail et peut encore baisser ; il en est de même de l’ampoule électrique : 6 heures de travail en 1912 et 6 minutes aujourd’hui. Le poste de radio, autrement performant, coûte moins de 5 heures de travail contre 1 400 en 1920.

Les trois secteurs doivent être vus maintenant selon la définition de Jean Fourastié, non plus « agriculture, industrie, services », mais produits à haut progrès technique (HPT : le blé autrefois, aujourd’hui les ordinateurs..), produits à progrès technique moyen (PTM), et produits à progrès technique faible ou nul (toujours le coiffeur, peut-être demain le pain).

On ne peut plus espérer de diminution de prix réel substantielle dans l’agriculture et peu dans l’industrie… Il y a une limite inférieure du prix réel qu’on ne pourra pas dépasser ; la forme asymptotique des courbes montre qu’on arrive à la «fin des temps faciles» (expression de Jean Fourastié), c’est-à-dire la fin de la période transitoire et de la croissance… tout en ayant un niveau de vie élevé.