Pour relire les commentaires d’Alfred Sauvy sur cet article :  

En même temps qu’il nous révèle un auteur peu connu, l’article remarquable de Mme Hecht nous ouvre tout un monde de réflexions, d’une part sur les idées économiques de ce personnage curieux, d’autre part, et de façon plus générale, sur les effets de la culture, par un même homme, de plusieurs disciplines. Vandermonde est trop ouvert, pour ne pas être en proie, dans ses idées économiques, à divers courants. Sur le libéralisme d’Adam Smith - J.-B. Say est greffée une idée foncière d’intervention, attardée ou en avant-garde, peu importe, signe classique en tout cas d’espérance dans l’homme et de confiance dans la maîtrise de nos destinées. Sur un plan plus concret, le fond de ses idées est la croyance en une grande élasticité de la production, sous l’effet d’une demande stimulée ; cette confiance, qui remonte à tout le moins à Law, est enracinée dans le cœur de l’homme et revient constamment, sous des formes nouvelles. Comme la plupart des raisonnements économiques, celui-ci fait abstraction du temps, des délais et des inerties. Le conflit n’est donc pas sur le principe ou la condamnation des assignats, mais sur leur rythme. Aucun théoricien, qu’il s’agisse de Dutot, de Sismondi, de Keynes et de tant d’autres, ne fait intervenir le facteur temps, fatalement lié aux circonstances du moment. Cette notion d’élasticité dans le temps est encore la grande lacune des théories les plus modernes. Quant à l’effet de la culture de plusieurs disciplines chez un même homme, il révèle toujours, au premier abord, ses défauts, car il apparaît inévitablement que chaque partie aurait pu être approfondie davantage. D’autre part, l’opinion, même scientifique, admet plus facilement le spécialiste, ne serait-ce que par souci de simplicité et de classement. Ce jugement commode et spontané laisse cependant de côté les nombreux effets qu’a pu avoir Vandermonde sur les idées d’autres hommes. Par des cheminements peu visibles, cet homme étonnant a pu, grâce à ses butinements, répandre la culture et provoquer de véritables fécondations. Des regrets ? Chacun peut les nourrir à son gré, mais resteront toujours les leçons de cet homme épris de savoir, acharné à tailler dans la carrière inépuisable de la connaissance.

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